L’indemnisation des victimes d’engins de déplacement personnel motorisés (trottinettes, hoverboards, etc.)

Le décret du 23 octobre 2019 ( N° 2019-1082) relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel motorisés ( EDPM) avait, notamment, pour objet de combler un vide juridique concernant les conditions de circulation de nouveaux moyens de déplacements urbains électriques tels que les roues électriques, les hoverboards mais surtout les trottinettes à moteur à l’origine d’accidents parfois graves.

Ce décret retouche uniquement le code de la route et réglemente les conditions de circulation de ces nouveaux engins.

Pour ce faire, le décret du 23 octobre 2019 créé une nouvelle catégorie d’usagers des voies piétonnes et des voies de circulation.

Ainsi, à côté des conducteurs de véhicules terrestres à moteur, des piétons et des conducteurs de cycles et de cyclomoteurs, il existe désormais les conducteurs « d’engins de déplacement personnel motorisés ».

Cependant, ce décret apporte-t-il des réponses aux victimes d’accidents de la circulation imputables à cette nouvelle catégorie de conducteur ?

On peut en douter car étonnamment, le code des assurances n’est pas modifié.

Si les engins de déplacement personnel motorisés sont considérés comme des véhicules terrestres à moteur, les victimes bénéficient-elles des dispositions protectrices de la loi du 5 juillet 1985 concernant les victimes d’accidents de la circulation ?

N’en résulterait-il pas également une nouvelle obligation d’assurance pour ce type de véhicule ? Mais quelle assurance ?

A défaut, quels seraient les recours des victimes de ce type d’accident ?

Force est de constater que ces questions pourtant essentielles pour les victimes n’ont pas été directement abordées par le décret du 23 octobre 2019 à moins que le législateur estime que le régime d’indemnisation soit d’une telle évidence qu’il ne soit pas nécessaire de le préciser…

I) Sur la définition de « l’engin de déplacement personnel motorisé » ( EDPM)

En son article R311-16.15, le code de la route définit « l’engin de déplacement personnel motorisé » comme suit : « véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. Il peut comporter des accessoires, comme un panier ou une sacoche de petite taille”

Ainsi ; pour être considéré comme un engin de déplacement personnel motorisé, il faut que :

  • l’engin soit équipé d’un moteur
  • ce moteur ne doit pas être thermique
  • ce moteur ne doit pas permettre d’aller au-delà de 25 km
  • l’engin ne comporte pas de place assise

Or, il n’est pas rare que certaines trottinettes puissent aller au-delà de 25 km.

Elles ne sont donc pas des engins de déplacements personnels motorisés.

Par ailleurs, le vélo électrique comporte une place assise.

Il ne s’agit donc pas d’un « engin de déplacement personnel motorisé »

II) L’EDPM est-il un « véhicule terrestre à moteur » prévu par la loi du 5 juillet 1985 concernant l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation ?

La loi du 5 juillet 1985 ne définit pas le véhicule terrestre à moteur.

Néanmoins, cette loi ne distingue pas entre les véhicules terrestres qu’ils soient équipés d’un moteur thermique ou non.

Or, il est de principe qu’on ne peut ajouter à la loi une condition qu’elle ne comprend pas.

De ce point de vue, la loi du 5 juillet 1985 aurait vocation à s’appliquer.

III) L’EDPM est-il soumis à l’obligation d’assurance automobile fixée par les articles L211-1 et suivants du code des assurances

Le code des assurances en son article L211-1 concernant les personnes assujetties à l’obligation d’assurance automobile précise que :

“Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Pour l’application du présent article, on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée.”.

Au regard de cet article, l’EDPM entrerait dans cette définition.

Cependant, le décret du 23 octobre 2019 a modifié l’article R322-1 du code de la route concernant l’obligation de délivrance d’un certificat d’immatriculation et la souscription d’une assurance conforme aux dispositions de l’article L 211-1 du code des assurances.

A ce titre, le point V de cet article mentionne expressément:

“V. – Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux engins de déplacement personnel motorisés et aux véhicules ou appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est inférieur à 1,5 tonne.”

La question est donc tranchée, le regime de l’assurance obligatoire automobile n’est pas applicable!

Cette position a une lourde conséquence pour les victimes des EDPM mais aussi pour les conducteurs de ces engins : le responsable peut ne pas être assuré et devoir ainsi indemniser la victime sur son patrimoine personnel avec le risque pour la victime d’insolvabilité de l’auteur !


IV Quel recours pour les victims d’EDPM?

Le décret du 23 octobre 2019 n’impose pas d’obligation d’assurance.

Néanmoins, par un arrêt du 22 octobre 2015, la Cour de Cassation a précisé « qu’une mini moto se déplaçant sur route au moyen d’un moteur à propulsion, avec faculté d’accélération, ne peut être considéré comme un simple jouet et est un véhicule terrestre à moteur sans qu’il importe que le véhicule en cause soit soumis à une obligation légale d’assurance ».

Par cette position jurisprudentielle, la cour de cassation confirme que la loi du 5 juillet 1985 est dissociable de l’obligation d’assurance automobile.

Ainsi, la loi du 5 juillet 1985 aurait vocation à s’appliquer.

En résumé, l’EDPM est un engin qui n’est pas soumis à une obligation d’assurance mais qui relève de la loi du 5 juillet 1985 concernant les victimes d’accident de la circulation.

Bien que non soumis à une obligation d’assurance automobile, il est très fortement conseillé de souscrire une assurance applicable en cas d’accident avec ce type de véhicule, les assureurs pouvant invoquer le fait que le contrat ne s’applique pas en ce qu’il ne vise pas ce type de véhicule ou en ce qu’il exclut les accidents relevant de la loi du 5 juillet 1985.

Que faire en cas de véhicule non assuré ?

En présence d’un accident de circulation avec un véhicule non assuré, le fonds de garantie obligatoire à vocation à intervenir.

L’article L421-1 du code des assurance précise que :

« Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages indemnise, dans les conditions prévues aux 1 et 2 du présent I, les victimes ou les ayants droit des victimes des dommages nés d’un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule au sens de l’article L. 211-1.”

Néanmoins, ce même article prévoit que :

« Le fonds de garantie indemnise également, dans les conditions prévues aux 1 et 2 du présent II, les victimes ou les ayants droit des victimes de dommages nés d’un accident de la circulation causé, dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol ou un animal.

Au moins, la victime pourra être indemnisée par le fonds de garantie automobile à condition de respecter les délais spécifiques de saisine du fonds de Garantie prévue par l’article R411-27 du code des assurances.

Pour l’auteur de l’accident, cette intervention n’est qu’un répit car le fonds de Garantie bénéficie d’une action récursoire à l’encontre de l’auteur responsable et ce en vertu de l’article L 421-3 du code des assurances.

“ Le fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident ou son assureur. Il a droit, en outre, à des intérêts calculés au taux légal en matière civile et à des frais de recouvrement.”

Par consequent, ce décret n’est pas satisfaisant car il crée une insécurité juridique que ce soit au titre de l’auteur ou de la victime d’un accident avec EDPM, insécurité qui ne peut être soulevé que par le biais d’une intreprétation d’articles issus de code différents.

Par conséquent, un seul conseil aux conducteurs d’EDPM, ASSUREZ-VOUS et veillez à ce que les EDPM que vous louez soient couvert par une assurance !

François LAMPIN
Avocat au barreau de LILLE
Spécialisé en réparation du préjudice corporel

De la compétence exclusive des Tribunaux de Grande Instance pour les actions en réparation du préjudice corporel

Depuis le 1er mai 2017, l’article L211-14-1 du code de l’organisation judiciaire est en vigueur.

Cet article prévoit que, désormais, seuls les Tribunaux de Grande Instance sont compétents pour connaître des actions en réparation du préjudice corporel, et ce quel que soit le montant des sommes réclamées.

Il s’agit d’une modification importante.

En effet, avant le 1er mai 2017, le tribunal d’instance était compétent pour connaître des actions en réparation d’un préjudice corporel lorsque le montant d’indemnisation sollicité était inférieur à 10 000 euros.

La représentation par un avocat dans le cadre d’une procédure menée devant le tribunal d’instance n’est pas obligatoire.

Désormais, tout tribunal d’instance saisi d’une telle action devra renvoyer le dossier devant le Tribunal de Grande Instance compétent.

A cette occasion, la victime qui a intenté son action en justice devra obligatoirement prendre un avocat afin qu’il puisse se constituer, la représentation par un avocat étant obligatoire dans le cadre des procédures menées devant les Tribunaux de Grande Instance.

Maître Francois Lampin

Victime d’une infraction commise à l’étranger, la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) peut vous aider !

Pendant un séjour dans un pays étranger, vous êtes victime d’une infraction qui vous a causé un préjudice corporel. Que faire ?

En principe, la loi applicable est celle du lieu du délit ce qui implique de prendre conseil auprès d’un avocat étranger qui défendra vos intérêts devant la juridiction du pays où a été commise l’infraction.

Le parcours pour obtenir l’indemnisation de son préjudice se complexifie, par conséquent, du fait même que l’infraction n’a pas été commise sur le territoire français.

Il est d’autant plus complexe lorsqu’il n’y a pas de procès ou que les auteurs de l’infraction n’ont pas été identifiés.

Faut-il alors considérer que la victime française d’une infraction à l’étranger n’a plus aucun recours?

La réponse est négative car le législateur français a prévu la possibilité pour certaines victimes d’infraction corporelle commises à l’étranger de saisir une juridiction française, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ( CIVI), qui statuera selon les règles du droit français et ce même si l’auteur n’est pas retrouvé, quelle que soit le lieu de l’infraction.

En son arrêt du 3 juin 2004, la Cour de Cassation a rappelé que la législation française concernant l’indemnisation des victimes d’infractions par la CIVI institut un droit à réparation du dommage résultant d’une infraction commise à l’étranger, cette loi étant destinée à assurer une indemnisation fondée sur la solidarité nationale.

Cependant la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions suppose que certaines conditions soient remplies.

Pour saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, il convient d’avoir la nationalité française.

En outre, les blessures subies doivent avoir une certaine gravité et avoir entraîné une incapacité permanente (séquelle) ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ou la mort.

A défaut, sans remplir ces critères de gravité, toute victime d’agression sexuelle est recevable à agir devant la CIVI.

Par ailleurs, il convient d’établir l’existence d’une infraction.

Enfin, il convient d’agir dans les trois ans de cette infraction sous peine de prescription.

Il convient de se féliciter de l’existence d’un tel dispositif créé en faveur des victimes françaises d’infractions commises à l’étranger, dispositif encore malheureusement méconnu.

Maître François LAMPIN